Les chroniques d'un ange a été une idée qui me trottait dans la tête depuis quelques semaines lorsque j'ai enfin décidé de la mettre sur papier, ou plutôt sur document Word, afin de me débarrasser de ses images qui ne me lâchaient plus. Dès les premiers mots déposés sur mon doc, j'ai su que j'allais vouloir que le meilleur pour cette histoire. C'est pourquoi je l'ai posté sur différentes plateformes de blogues, afin de réunir un maximum d'avis constructifs. Je voulais, et veux toujours, m'améliorer le plus possible. Comme cette histoire se ramasse sur des blogues, j'imagine qu'elle ne sera jamais publiée en tant que livre, mais l'expérience et les avis que j'acquière en l'écrivant et la faisant lire aux autres, va me servir pour mes quelques autres récits pour lesquelles j'ai espoir de les voir apparaitre en librairie un jour.
Dans cette introduction, je te laisse aussi le résumé, pour que t'ais une petite idée de quoi ça va avoir l'air. Cette histoire est loin d'être finie comme "le coeur des loups". Elle en est même à ses premiers balbutiements. Ce qui veut dire que les quelques personnes la lisant, suivront son évolution au même rythme que moi.
Résumé :Je me réveille toujours dans une nouvelle peau. Une nouvelle vie m’attend au bout du chemin différent à chaque fois. Je ne suis jamais la même personne. Je n’ai jamais les mêmes amis, le même emploie, le même pays, les mêmes origines. Je suis une étrangère dans la peau d’une collègue, d’une meilleure amie, d’une épouse, d’un être proche. Je n’ai ni nom, ni âge réelle puisque tout change à chacune de mes missions. Je n’ai aucun droit sur ma propre vie et ne suis même pas certaine d’en avoir une réellement en dehors de ces corps que j’habite quelques temps seulement. Je ne suis personne et tant de gens à la fois. J’ai l’impression d’être tout et rien en même temps. C’est pourtant normal, je suis un ange protecteur, appelé aussi chasseur, après tout…
Tu auras compris qu'il s'agit de l'histoire d'un ange dont les missions seront, ce que j'appelle ici, des chroniques. Un peu à la manière d'émissions télévisées, chaque chronique sera un épisode à part tout en ayant un lien et une évolution en rapport avec les précédents et les suivants. J'espère que tout cela te donne le goût de lire et que j'y retrouverai un petit commentaire me disant ce que t'en penses. Merci beaucoup !
- Jexx / Maïra
Commentaire de Milanini (16/09/2010 10:28) :
Je ne vois pas où est le rapport avec la PROVINCE de Québec (CANADA), mais,
sans doute, je suis trop bête pour lire entre les lignes: je suis
romancier.
Et bien, comme je ne suis pas capable d'aller sur ton blogue, je te
répondrai ici.
Tu ne vois pas le rapport du Québec tout comme je ne vois pas celui de ton
commentaire. Je suis désolé monsieur le romancier qui semble tirer profil
de son titre, mais en quoi le Québec vient se mêler de cet article. Je
n'ai pas vu le nom de ma province à nulle part dans le résumé de mon
histoire ou encore dans sa présentation.
Et je suis désolée, mais être romancier ne te donne pas vraiment le droit
de laisser présager que tu es plus important qui que ce soit d'autre.
Si tel n'était pas ton désir, c'est ce que tu laissais sentir par
ta dernière phrase.
En passant, si c'est le titre qui te dérange ; "Le Québec, berceau des
rêves et de l'imagination", je n'y peux pas grand-chose pour toi.
Il s'agit simplement de l'endroit d'où je viens.
J'espère que tu ne t'es pas senti choqué par une simple petite
phrase aussi anodine. Si ton égo de "romancier" s'est laissé toucher
par si peu... Je n'y suis pour pas grand-chose là-dedans.
Encore ! Je me réveille pour une millionième fois dans des draps qui me sont totalement étrangers. Comme si je venais à peine d’apparaitre là, comme si je n’y connaissais absolument rien. Non, pas comme si, c’est réellement le cas. Je viens à peine d’atterrir en ces lieux qui me sont tout simplement inconnus. C’est toujours la même histoire, je disparais d’un endroit pour me retrouver à un autre quelques heures, jours, ou semaines plus tard, ne laissant aucun souvenir de mon passage. Entre ces lapses de temps, je mijote dans un espace intemporel avec d’autres comparses qui sont de ma trempe dans une attente latente. Là où je n’ai ni âge, ni nom, ni visage. Je me lève en me tenant la tête. J’ai l’impression d’avoir une gueule de bois tellement je la sens sur le point d’exploser. Les murs de cette chambre sont d’une blancheur immaculée, écœurante même. Ça n’arrange absolument rien à mon mal de bloc. Je pose un pied à terre, puis l’autre. Le plancher de bois franc clair est frais et agréable au moins. Je passe un camisole d’un mauve tendre sur mes frêles épaules dénudées en baillant à m’en décrocher la mâchoire. Un peignoir m’attend sur un crochet de la porte d’entrée de la chambrette. Je l’enfile en supposant qu’il doit être à moi et franchis cette même porte pour voir ce qui m’attend de l’autre côté. Encore un nouveau monde, de nouvelles personnes, une nouvelle vie qui se présente à moi, jusqu’à ce que j’aie accompli la mission pour laquelle on m’envoie ici. Jusqu’à ce que je disparaisse encore, comme si je n’avais jamais existé.
Avertissement pour ceux et celles qui n'arrivent pas à lire en raison de la police trop petite : dû au fait des bogues occasionnés si je met la police en small, je vais devoir tout laisser en x-small. Si vous avez de la difficulté à lire, vous pouvez toujours grossir la police vous même en pesant sur Ctrl et jouer avec la roulette de la souris.
Il semble que je sois tombée sur une colocation cette fois. La fille qui est assise à la table, juste en face de moi, semble être de mon âge, pas assez vieille, ni assez jeune pour être ma sœur. On ne se ressemble pas du tout, de ce que je peux en voir en tout cas. Mon visage m’est toujours inconnu, mais ma taille est de beaucoup plus fine que la sienne et je suis aussi plus petite de hauteur. Sa peau est très foncée, ce qui me fait penser qu’elle doit être mulâtre alors que j’ai toutes la platitude d’être simplement blanche. J’ai une faible poitrine alors que son décolleté déborde presque. Je ne crois pas que nous soyons de la même famille quoi que l’apparence est très rarement une donnée fiable en ce cas.
- Hey, bien dormi ?, me dit-elle joyeusement en levant le regard sur moi.
- Oui, répondis-je sans plus.
J’attends toujours que ce soit la première personne que je rencontre qui parle. Je n’ai aucune information sur ce que devrait être ma vie à laquelle je dois m’habituer très rapidement si je ne veux pas avoir l’air bizarre. C’est souvent cette même personne qui va me donner mon nom et mon titre. Qui va aussi m’apprendre ce que je dois savoir afin d’affronter la journée dans ce nouveau corps qui sera le mien pour un temps indéterminé.
- T’es un peu blême, t’es sûre que ça va Sandy ?
- Heu… j’ai fait des rêves un peu étranges. Je crois que ça m’a troublé, mais rien de grave, je t’assure.
C’est tout ce que je pus répondre. Je sais que je devrais être un as dans l’art de raconter des histoires et mentir après tout ce temps à pratiquer mon métier, mais c’est tout le contraire, j’ai beaucoup de difficultés avec ce genre de choses. Et pourtant, c’est mon travail, en quelque sorte.
- Bon tu m’excuseras… toilettes, dis-je simplement avant de m’engouffrer dans la minuscule pièce adjacente à la cuisine, c’est-à-dire la salle de bain dont disposait cet appartement.
Je passe devant le miroir et y reste collée. Comme ça, mon nom serait Sandy. Pas mal du tout ! J’aime bien même. Nom de famille ? Pour l’instant, ce n’est pas très important. Je contemple mon reflet dans la glace en passant une main sur la douce peau de mon nouveau visage. Il change à chaque fois et je prends toujours un certain plaisir à me détailler. Jamais le même minois, jamais la même nationalité, jamais la même personnalité non plus. Je ne suis tout simplement jamais la même personne. J’ai mille visages tout en n’en ayant pas vraiment un à moi. Un peu ironique non ?
À quoi je ressemble réellement, je n’en ai aucune idée. Dans le monde intemporel, il n’y a aucun miroir dans lequel je peux me regarder. Je me contente de voir les autres autour de moi sans poser de question. Là-bas, toute interrogation est inutile et considérée comme une perte superflue d’énergie.
Pour le moment, je suis une brunette. J’ai les cheveux qui me vont jusqu’au milieu du dos avec un mélange de rose et de mauve sur un fond brun très foncé. C’est un peu étrange comme mixte sans toutefois être vulgaire. J’ai de petits yeux marrons encadrés de lunettes à la monture simple et un visage ni trop long, ni trop rond. Mes lèvres sont minces et des fossettes se creusent dans mes joues roses quand je souris. Ma peau est assez pâle et semble en cruel manque de soleil. Je suis de grandeur moyenne et de taille fine. Je ne suis certainement pas un modèle de beauté, mais pas non plus la plus affreuse. C’est là l’essentiel de mon apparence physique.
Il est temps d’en apprendre plus sur le personnage que je devrai incarner, ici, le temps de ma visite. Je fais donc ce que j’ai à faire aux toilettes puis ressors de meilleur humeur. Je dois maintenant cuisiner cette nouvelle connaissance afin d’en savoir plus sur moi et sur elle aussi. Si elle est la personne qui m’est apparue en premier, ce doit être parce qu’elle est aussi la plus importante. Ça toujours été comme ça jusqu’à maintenant.
- Alors, commençai-je en cherchant les bons mots, qu’est-ce que nous faisons aujourd’hui ?
- Tu le sais bien, faut aller travailler, comme on le fait 5 à 6 jours semaines depuis déjà 5 ans, argua-t-elle de manière à ce que je sente l’amertume dans ses paroles.
- Ouais, je sais, j’essayais juste de me montrer enthousiaste.
- La boutique nous attends !
Je travaille dans une boutique ? C’est la première fois que je vais me voir dans la peau d’une caissière. Je devrais avoir le temps d’en apprendre un peu plus sur ma coloc au courant de la journée puisqu’il semble que nous travaillons ensemble. Je me demande dans quel genre de boutique je suis tombée. Tout mais pas de vêtements. Il me semble que je serais de forts mauvais conseils pour les clients.
C’est elle qui me conduit jusqu’au travail puis c’est elle qui possède une auto de nous deux. Je fouille discrètement dans mon sac à main pour y trouver mon permis. Au moins, j’en ai un aussi, ce qui va me permettre de voyager seule si la situation le demande. La jeune demoiselle, dont j’ignore toujours le nom, arrête son auto dans un immense stationnement d’un centre d’achat et je la suis à la trace pour être certaine de ne pas avoir l’air louche en prenant la mauvaise direction.
- T’as pas oublié ton épinglette j’espère ?
Quelle épinglette ? Je prend mon sac à dos et me met à fouiller frénétiquement dedans à la recherche du dit objet sur lequel je tombe après une bonne minute. Il s’agit simplement de mon nom et du nom de la boutique ainsi que le logo de gravé sur un petit rectangle de plastique épais. J’imagine que je dois porter ça durant mon quart de travail.
- Non, je l’ai !
- Très bien, ça va t’éviter de te faire sermonner par Diane, la directrice, encore une fois.
Donc, je ne serais pas une personne très à l’ordre et n’aurais pas beaucoup de mémoire. Voilà quelque chose d’utile s’il m’arrive de ne pas savoir quelque chose. Je pourrai toujours faire passer ça sur le dos d’un oubli.
- Ne jamais lui donner la moindre raison de se mettre en mode sermon, sinon, elle n’arrête plus et on y passe la journée.
- Voilà notre règle d’or, ajoutai-je en espérant avoir raison.
- Tout à fait !
Je suis toujours ma colocataire qui me traine jusqu’à la dite boutique qui n’a finalement rien à voir avec les vêtements auxquels je m’attendais. C’est un tout petit endroit spécialisé en pâtisseries en tous genres, coincé entre un magasin grande surface et un boutique de sport tous genres. De la nourriture ! Je vais devoir préparer de la nourriture à longueur de journée !! Il me semble bien que, peu importe quelle personne j’ai dû incarner jusqu’à maintenant, je n’ai jamais été douée pour quelconque plat que ce soit. Si ça avait été possible, je pense bien que j’aurais fait coller de l’eau au fond d’une casserole.
- Tu t’occupe des brioches comme toujours ?, me lance ma compagne avec un clin d’œil complice.
- Ah heu… oui…
- Tu sais que les clients en raffolent. Ne tarde pas à te mettre au fourneau, c’est le matin qu’on fait le plus de vente ! Je vais commencer à préparer du café tout de suite, les gens commencent déjà à faire la file à la porte du café, me lance-t-elle en accrochant son épinglette à sa chemise blanche.
Elle a bien raison, trois ou quatre personnes sont déjà près de l’entrée et ne semblent attendre que son apparition pour venir se rassasier. En me retournant, je vois son épinglette et jette un regard attentif à ce dernier. Elle s’appelle donc Léticia, voilà qui va mettre utile et me permettre de l’appeler par son nom si jamais quelque chose tourne mal au fond de ma cuisine. J’ai toujours beaucoup de difficulté à demander discrètement le nom des personnes autour de moi sans éveiller de soupçons. Il faut avouer qu’interroger sa meilleure amie ou tout autre être proche sur son prénom peut toujours avoir l’air un peu louche.
Et bien, il semblerait que je sois obligée de m’y rendre. Je fais quoi, moi qui n’ais jamais eut de talent culinaire ? Je dois laisser aller mon instinct, je dois me fier à mes sens, ce sont mes meilleurs guides. Mais je dirais bien que ce n’est pas toujours facile à faire. Farine, lait, œufs, beurre, cannelle, le tout se suit dans un ordre que je ne connais absolument pas. Tout se chichi ne me dit rien, mais l’aromate délicieux qui s’en dégage, est encourageant. Je laisse mes mains me guider, elles ont l’air d’en savoir plus que moi sur le sujet. Elles s’occupent elles-mêmes du mélange et tout. J’espère que ça va être correct. L’angoisse me tenaille l’estomac. Et si j’échouais ? Ma couverture pourrait en être défaite ! Je roule la pâte de manière presque experte, ce qui me surprend et met le tout dans le four.
- Wow ! Réussies comme toujours !
Bon, une étape de plus. Je suis capable de faire des brioches. Soupir de soulagement. C’est ce qui me surprendra toujours de mon métier : je peux faire n’importe quelle activité. Tout semble s’inscrire tout seul dans ma mémoire. Reste que j’ai toujours une crainte de manquer mon coup en quelque part. Même si ça ne m’est encore jamais arrivé.
- Oui, c’est tout de même ma spécialité, ajoutais-je pour un peu plus de crédibilité.
- Je ne te le fais pas dire Léti. Justement, je peux en avoir une s’il-te-plait ?
Un jeune homme vient tout juste d’apparaitre au comptoir. Il a les cheveux blonds et courts et de magnifiques yeux bleus. Il est un peu maigre, mais son sourire aimable l’embellit passablement. Je me sens rougir jusqu’à la racine des cheveux. Pourquoi je me sens si bizarre soudainement.
- Bien sur !, répond Léti à ma place.
- 1.50 $ comme d’habitude ?
- À moins que t’ajoute un petit café avec ça, tout frais !
- Pourquoi pas ! Alors ce doit faire un gros total de 3 $
- Oui, dis-je sans même savoir de quoi il parlait.
Il aurait bien pu donner n’importe quel montant que j’aurais répondu la même chose sans y voir quoi que ce soit.
- Ce sera deux sucres, deux crèmes dedans, s’il-te-plait !
- Pas de problème, dit-elle en lui préparant sa commande.
Il me donne l’argent et je me contente de lui faire un sourire niais en le regardant prendre un journal sur le comptoir puis s’asseoir à l’une des petite tables au fond de la boutique.
- Toujours sous le charme du beau Hayden ? Et wow, t’as vu le pourboire ! Je crois que c’est réciproque ton affaire.
Je revins sur terre en un rien de temps. Me secoue la tête en signe de négation et retourne à l’arrière près de mon four pour y faire une nouvelle fournée de brioches. C’était quoi ce sentiment étrange ? Me semble que j’ai déjà ressenti quelque chose de semblable auparavant, mais je n’arrive pas à mettre le doigt dessus. J’ouvre ma main sentant quelque chose de dur au creux de ma paume :j’ai toujours le trois dollars ainsi que le généreux pourboire qu’il m’a donné au même moment.
L’inconvénient de vivre la vie de dizaines d’humains différents et de revenir à l’intemporel entre chaque nouvelle mission, c’est que je ne suis jamais capable de me remémorer tout ce que j’ai pu vivre et ressentir auparavant. Presque tout s’efface à chaque fois, me laissant un vague souvenir et une impression de déjà vu pour les vies suivantes. Est-ce que j’aime vraiment cette vie que je mène depuis tant d’années ? Pour certains aspects oui et pour tous les autres non. J’aurais aimé avoir une existence comme tout le monde, une vie normale, des amis stables, des parents, une famille. Peut-être que j’ai déjà connu ça un jour, mais depuis le temps, j’ai du oublier. Comme tout le reste…
On ne choisit pas de devenir ange protecteur, aussi appelé chasseur, on est choisi, point à la ligne. On subit les lois divines et doit protéger les gens de la terre en dehors de notre espace intemporel. Telle est notre destiné. On est, moi et les quelques autres anges de mon rang, obligés d’accepter notre sort sans poser de questions. On nous dit que nous devrions même nous réjouir de notre condition : nous sommes des élus !
La journée se termine comme elle a commencée, dans un calme respectif. Le mal de tête m’a lâché depuis longtemps et je sens que tout s’est passé comme ça se devait. J’ai même eu droit d’emporter les quelques croissants et brioches en trop. Tout semblait parfait, jusqu’à ce qu’une bande de jeunes viennent à ma rencontre.
- Hey Sandy !!
- Salut !
Celui qui m’a adressé la parole doit à peine dépasser les cinq pieds et est plutôt grassouillet. Il a bonne mine et semble déjà bien me connaitre. Deux autres hommes le suivent de près. Deux grands et maigres, l’un roux aux dents proéminentes et l’autre noir d’ébène avec plusieurs piercings au visage. À leur voir l’allure, j’espère qu’ils sont mes amis et non pas le contraire.
- Qu’est-ce que tu fais ?
- Pour le moment, pas grand-chose. Je sors à peine du travail. Je devrais me préparer quelque chose à manger et puis, une petite soirée tranquille à la maison.
- Qu’est-ce que tu dirais d’un bon restaurant à la place ?
- Oui, pourquoi pas !
Je dois laisser les choses aller comme elles viennent, pour que tout se fasse dans le plus naturel des cas. Et puis, je dois apprendre à connaitre ceux qui m’entourent et le plus rapidement possible. Un souper entre amis ne peux que m’aider sur cette voie. Je me demande si ma colocataire vient venir avec nous, elle aussi.
- T’as vu Léti ?
- Oui, elle devrait s’en venir bientôt.
- La voilà ! dit alors le noiraud.
Eh oui, elle est bel et bien là en train de fermer boutique derrière nous. Elle s’en vint à notre rencontre, prête à nous suivre comme si rien de leur apparition ne l’a surprenait.
C’est un peu flou dans ma tête. Je sais que je dors, mais en même temps, je me sens terriblement consciente. Comme un rêve réaliste duquel on se demande toujours si on doit y croire ou non. Le décor est tout noir sauf quelques petites lumières multicolores qui se promènent ici et là au gré de leur fantaisie donnant un air d’immensité galactique au lieu.
- J’aurais besoin de te parler en personne le plus tôt possible.
Personne n’est là. Seule une voix brise ce magnifique univers serein. Aucun visage pour accompagner cette requête, mais je ne m’inquiète pas. Je connais très bien cette manière de faire et sais que je n’ai rien à craindre.
- D’accord Joël, dès que mon corps veut bien se réveiller.
- Tu sauras où me trouver ?
- Pourquoi toujours cette même question ? Tu sais bien que oui.
Sur ce, une simple rafale de vent qui frôle mon visage et puis, plus rien. Le néant total. Je me retrouve seule une autre fois avec ces lumières virevoltantes.
Un nouveau matin se lève sur cette nouvelle vie. Je m’étire de tout mon long dans ce grand lit douillet et m’apprête à sortir de chez moi en douce. Après avoir fait ce rêve plutôt étrange, je sais que je dois retrouver quelqu’un à l’extérieur : c’était un appel. Je sais aussi que c’est samedi et que nous avons toutes les deux congé, moi et Léticia. Je ne veux pas la réveiller pour rien et subir un interrogatoire embarrassant, donc c’est à pas de loup que je file. Je passe la porte de l’entrée en silence et sors à l’extérieur habillée d’une simple camisole par-dessus laquelle j’ai passé une petite veste blanche accompagnée d’une paire de jeans, premiers vêtements à portée de main. Le soleil se lève à peine et tout est calme dehors. L’aurore est sûrement l’une des période de la journée que je préfère. Et c’est dans ces moments que j’aimerais pouvoir déployer mes ailes et prendre un magnifique envol dans ce ciel sans nuage, juste dans ce levé du soleil rose. Mais je suis liée et n’ai pas le droit de les laisser aller tant et aussi longtemps que je peux les cacher. Je ne dois les sortir sous aucun prétexte à moins que ma vie ou celle de ceux qui sont autour de moi soit en danger. Le cas contraire viendrait à faire échouer la mission pour laquelle j’ai atterri ici, mais aussi à perdre mon rang d’ange protecteur et la promesse de naviguer dans les limbes pour l’éternité.
Je marche donc pour me rendre à un endroit précis. Je n’ai aucune idée d’où se trouve réellement cette place, mais je suis les signes qui se présentent à moi. Pour l’œil humain, il serait impossible d’y voir quoi que ce soit, mais pour moi, le passage d’un autre ange ne se fait pas sans trace. Tout ici, quand on sait regarder, nous dévoile des choses extraordinaires. Là où la main de l’ange, sous sa forme originelle, s’est posée sur un arbre, l’écorce est plus brillante et le feuillage vert tendre. Là où son pied a prit appuie sur la verdure, l’herbe est plus fraiche et semble regorgée de vie. Tout à l’air plus vivant, rayonnant même, quand un ange est venu à passer.
- Il y a déjà un bon bout de temps que je t’attends.
Les traces m’ont menée jusqu’à une vieille cabane de train. Le chemin de fer n’a plus l’air très utilisé ; les rails sont complètement rouillées et les pousses ont envahi les planches de bois passablement pourries entre elles. Un jeune homme attend adossé contre la petite bâtisse. Son long visage est charmeur et entouré d’un rideaux de cheveux noirs de jais arrêtant aux épaules. Sa magnifique carrure est fortement soulignée par un complet propre et parfaitement ajusté. Un détail le distingue nettement de tout autre homme sur terre : ses yeux. Son regard est mauve, profond, calculateur. La première fois que je l’ai croisé, je me suis tout de suite sentie mal à l’aise, comme si j’avais l’impression qu’il était capable de lire le fond de ma pensée d’un seul coup d’œil.
- Comment voulais-tu que je sois au courant si tu ne m’as envoyé ton appel que cette nuit, dis-je en m’arrêtant à sa hauteur.
- J’aurais cru que tu y aurais répondu plus rapidement, me lance-t-il sur un ton moqueur.
- Tu sais très bien que je suis soumise aux lois du corps humain. Je dors la nuit, j’en ai de besoin comme n’importe quel être vivant.
- Oui, tu as raison, je sais très bien… que tu es un être de chaire faible. Sous une forme tellement affaiblie, dit-il en faisant de grands mouvements théâtraux pour s’accompagner.
- Très drôle, pourquoi voulais-tu me voir au juste ? Mon absence risque d’être remarquée si je reste trop longtemps, alors viens en au fait.
Il m’envoya un nouveau sourire suspicieux avant de continuer sur un ton un peu plus sérieux.
- Tu trouveras bien quelque chose à répondre en revenant chez toi. Tu as une petite marche à faire pour ton retour, tu auras donc tout ton temps pour y penser. Sinon, c’est là-haut, ajoute-t-il en pointant le ciel du doigt. Je crois qu’ils ne sont pas tout à fait satisfait de ton travail ici bas.
- Ce qui veut dire ?
- Tu prends trop de temps à trouver ce que doit être ta mission.
- Quoi !?
- Bien tu sais comment ça marche là-haut, ils râlent toujours pour rien…
- Les missions ne viennent pas d’elles-mêmes habituellement ? Je suis le cours des choses, je ne peux pas les forcer à aller plus vite qu’elles le vont !
- C’est pas moi qui chiale, tu sais !
- Je risque de tout faire foirer si j’essaie de forcer les évènements. Les démons risquent de se douter de quelque chose s’il faut que je mette mon nez où il ne le faut pas et puis…
- C’est comme ça ma belle !
- Je ne comprends pas ce qu’ils veulent Joël.
Oui, lui aussi c’est un ange, et oui, il a un nom et une apparence distincte. Pas comme moi. Il n’a pas besoin de prendre le corps de qui que ce soit. C’est qu’il est notre supérieur. Juste en dessous des archanges qui nous régissent. Il ne fait pas la même chose que nous, il se contente plutôt de parcourir la planète d’un côté à l’autre, à la rencontre des diverses anges en mission. Il est là pour remettre les pendules à l’heure et aider ceux qui n’arrivent pas à s’adapter assez rapidement à leur nouvelle réalité. Il joue aussi le rôle de messager des archanges, faisant un pont entre eux, nous, mais aussi les pisteurs. Ces anges qui suivent les démons et tentent de les débusquer pour que nous puissions, nous chasseurs, nous en débarrasser le plus rapidement possible et empêcher des pertes humaines.
- C’est une blague, me lance-t-il avant d’éclater de rire.
- Une blague ?
- Oui, ce n’est pas vrai. Je venais simplement te donner certaines informations à savoir. D’après ce qu’on m’a dit, tu dois absolument participer à une activité qui implique de l’eau.
- De l’eau ?
- Oui. D’après les informateurs, le démon que tu dois affronter serait aquatique.
- Et quel est le rapport avec ma vie en ce moment. Je travaille dans une boutique de pâtisseries. À moins qu’il se pointe par la champelure en faisant la vaisselle…
- Ne discutes pas les ordres ! C’est tout ce que j’avais à te dire, finit-il sur une note plus sérieuse, laissant son sourire aux oubliettes.
Il me tourne le dos et ses contours deviennent soudainement flous. Comme lorsqu’on bouge une caméra trop rapidement sans laisser le temps au zoom de se faire correctement. Puis, il disparait complètement, ne laissant que le décor et une expression incrédule sur mon visage.
Drôle de personnage celui-là. Je n’ai d’ailleurs jamais compris ce qu’il faisait à ce poste. Il est d’un humour douteux et semble toujours ne pas être au bon endroit au bon moment. Tantôt très sérieux, et plus tard il peut sortir une « blague » de mauvais goût alors que ce n’est pas du tout le bon temps pour rire. Ses blagues sont rarement drôle de toute façon. Il est un mystère en lui-même. Un messager plus de malheur qu’autre chose. Et sa manière de terminer les conversations ! Ça m’irrite toujours un peu plus à chacune de nos rencontres. Au moins maintenant, je sais un peu mieux à quoi m’attendre. Quelque chose en rapport avec l’eau. Mais à quoi peut ressembler un démon de l’eau ? Ces immondices prennent tellement de formes différentes. L’image du petit bonhomme rouge avec une barbichette, des cornes, une queue pointue et une fourche est à oublier dans leur cas.
Je reviens donc sur mes pas pour y trouver Léticia assise à la table de la cuisine en train de savourer ses toasts. Ses longs cheveux châtains légèrement ondulés semblent avoir passé un mauvais moment cette nuit tellement ils sont en bataille.
- Salut, t’es matinale ce matin ?
- Oui, j’avais besoin d’air. Je n’arrivais plus à dormir.
- D’accord.
Je m’assoie à ses côtés en regardant dans le vide. Je n’ai pas vraiment faim et les interrogations se bousculent toujours dans ma tête.
- T’as l’air préoccupée ?
- Nah, ce n’est rien. Je me pose certaines questions, c’est tout.
- Quel genre ?
Bon qu’est-ce que j’invente maintenant ? J’aurais peut-être dû ne rien dire dès le départ.
- Ah… je me demandais si ça ne serait pas une bonne idée d’innover un peu à la boutique.
- …?
Ses grands yeux verts me détaillent avec attention. Je crois bien qu’elle attend un petit quelque chose de plus comme explication.
- Les brioches et les pains c’est bien, mais on pourrait apporter quelque chose de nouveau.
- Comme quoi ?
- C’est ce à quoi je réfléchis.
Elle eut l’air satisfaite de ma réponse et ne demanda rien de plus, ce qui fit amplement mon affaire et me laissa réfléchir en paix.
Au cours de mes pensées, le souper de la veille me revint à l’esprit. Ça c’était assez bien passé. J’ai sûrement dû avoir l’air un peu perdue par moment, mais ça en valait la peine. J’ai su que les trois jeunes hommes en ma compagnie étaient de très bons amis à moi. Le petit s’appelait Mathis, le roux Yannick et le noiraud Mike. Nous nous sommes connus par l’entremise de mon travail ; ils étaient des clients réguliers quand je suis arrivée sur place. J’ai aussi réussi à dénicher quelques traits de caractères m’appartenant : je suis une bonne vivante et adore bouger. Je ne suis pas du genre à rester enfermée quand je peux aller courir dehors au grand air. Je suis une fanatique du plein air en tout genre ; sport, pêche, chasse et autres. Caractéristique parfaite pour traquer tous les points d’eau de la place sans passer pour une folle.
En attendant de faire quoi que ce soit d’intéressant de cette fin de journée ennuyeuse, je suis assise devant le téléviseur à zapper d’un poste à l’autre sans mettre la main sur quoi que ce soit digne d’intérêt. Léticia est sortie en bonne compagnie me laissant seule dans l’appartement à me demander qu’est-ce que je dois faire pour paraitre tout à fait normale. Ce qui est une réflexion plutôt stupide étant donné que je suis seule. Personne avec qui jouer le rôle. Je me demande tout de même quoi faire pour passer le temps. Je me rappelle que, dans l’intemporel, le temps n’a aucune prise sur nous. C’est assez étrange et difficile à expliquer, mais tout parait n’avoir été qu’une petite seconde alors que des années ont pues se passer. Je ne regrette quand même pas d’en être sortie pour une nouvelle mission. Il était très ennuyant de rester pendant un temps indéterminé à méditer sur soi tout ce temps. Dans un silence épais et effroyable, avec des anges tout aussi pensifs et muets.
On toque à ma porte alors que je viens finalement d’arrêter mon choix sur une chaine de reportages animaliers. Je sursaute de manière presque exagérée, faisant tomber tous les coussins du sofa. Qui peut bien vouloir me voir à cet heure de la soirée ? Je me lève et me dirige vers l’intercom où je demande à qui j’ai affaire.
- C’est le père Noël !
- Très drôle, dis-je en reconnaissant la voix. Pourquoi tu n’entre pas par tes propres moyens.
- J’ai oublié mes clés sur la table.
Effectivement, ses clés trônent bel et bien sur la table de la cuisine. Je pressai sur le bouton qui lui déverrouillait la porte et elle vint me rejoindre.
- Qu’est-ce que tu dirais si on changeait un peu d’air ce soir !
- Heu ?
- Aller viens, je t’amène faire la tournée des clubs.
- Des clubs !?
Hey, stop là ! Quelle est cette idée sordide. Moi, dans un club ! Je déteste me retrouver dans ce genre d’endroit bondé et bruyant où l’activité principale est de se faire valoir plus que sa voisine habillée de manière plutôt provocatrice.
- Aller, arrêtes de faire ta grognonne. T’adore ça !
Ah bon, mon personnage veut que j’aille avec elle. La poisse ! Je fais quoi alors ? J’ai aucune envie d’y aller, mais je suis obligée de jouer le jeu jusqu’au bout. Et si c’est là que je dois affronter le démon. Je m’en voudrais à mort de ne pas m’être trouver au bon endroit à son apparition. Dilemme intérieur vraiment très mouvementé. J’ai beaucoup plus envie de lui répondre que j’ai la migraine et préfère me terrer chez moi, mais en même temps… Je n’ai pas vraiment le choix non plus, c’est mon travail. Ce pourquoi j’ai été choisie. Je ne peux pas aller à l’encontre du cours des choses.
- D’accord, va pour les clubs ! lançai-je comme si c’était la meilleure idée que j’aie entendu depuis le début de la soirée.
- Cool, le temps de se préparer, et il devrait être l’heure d’y aller.
- Oui, cool, répétai-je d’une joie fausse.
Je m’élançai donc vers la douche en continuant de feindre la bonne humeur. J’ouvris les robinets et laissai l’eau se réchauffer avant d’enlever mes vêtements et de me mettre sous le jet. Au fond de moi, j’espère presque qu’il va se passer quelque chose qui en vaille le déplacement. Non pas que je sois lasse de cette mission, mais seulement que je n’ai pas envie de sortir de mon petit confort pour le simple fait d’accompagner Léticia pour un rien dans un endroit qui me déplait, qui plus est.
Nous sommes en route vers le meilleur club de la place, selon les dires de ma colocataire. Durant ce trajet, Je médite sur le fait que je déteste n’avoir aucun souvenir de mes anciennes « vies ». Sinon, certaines choses me paraitraient tellement plus faciles à accomplir. Tout à l’heure, le simple fait de me retrouver devant ma trousse à maquillage a failli me faire perdre tous mes moyens. Non mais, c’est quoi l’idée aussi ! Un coffre immense avec trois étages de toutes les couleurs possibles d’ombre à paupière, de gloss plus brillants les uns que les autres, de crayons à yeux etc. Comment je suis supposée me retrouver là-dedans ? J’ai opté pour le simple et discret, ce qui m’a d’ailleurs valu un petit commentaire de Léti qui a relevé le fait sur le coup.
- Nous y voilà !
- Ah cool !
Je sais pas pourquoi je répète ça sans cesse, peut-être parce que c’est ce qui est le plus facile à répondre et qui demande la moins de fausse joie de ma part. C’est comme si le mot en lui-même est considéré comme l’émotion. Pas besoin d’avoir l’air content, le terme le fait à notre place.
- Tu vas voir, c’est vraiment le meilleur endroit pour les petites reines du « dance floor » que nous sommes.
Reines du quoi ! De mieux en mieux. Est-ce que c’est supposé vouloir dire que je vais devoir me donner en spectacle sur une piste de danse ça ?
- Il a l’air d’avoir beaucoup de monde, dis-je en voyant la file d’attente qui s’étend sur plusieurs mettre depuis l’entrée principale.
- Oui, mais ça avance super vite habituellement, dit-elle en ajustant un peu son décolleté pour mieux laisser voir son immense... Enfin bref, son contenu. Il suffit d’avoir le non argument pour passer, ajouta-t-elle en me faisant un clin d’œil.
- D’accord, je l’espère, il fait un peu frisquet dehors.
- Allons voyons, c’est quoi ces manières de fillettes. Depuis quand madame Sandy s’inquiète de la file d’attente ?
Ah quelle surprise ! Voilà le trio qui vient d’arriver à son tour alors que nous venons à peine de prendre part à cette dite file.
- Qu’est-ce qui vous amène ?
- Mais toi !
- Blague ?
- Mais oui, c’est Léti qui nous a lancé l’invitation tout à l’heure. Tu croyais quand même pas que ta beauté rayonnait jusqu’à chez moi !
Un vrai petit bouffon celui-là. Je ne suis pas certaine de devoir prendre cela comme une insulte ou non.
- Non, peut-être pas jusqu’à chez vous. Mais sûrement assez pour se rendre jusqu’à chez Hayden !
À ce nom, tout le monde regarde en direction du stationnement où une petite auto verte vient de prendre place. Le jeune homme blond de la veille en sort habillé chiquement.
Oh… je ne me demande plus pourquoi je rougis de la sorte. La plupart des filles le suivent des yeux alors qu’il se dirige vers nous. Plusieurs d’entre elles nous lancent même des regards d’envie à moi et Léti. C’est à croire qu’il est le monsieur populaire de la place.
Je fais quoi ? Suis-je supposée ressentir cet étrange impression en sa présence ? Est-ce que ça fait parti du personnage que j’incarne. Cela serait bien la première fois qu’une telle chose me serait imposée. Il me semble que l’on m’a toujours dit que tous sentiments ne seraient pas de mise lors de nos missions pour éviter tout trouble psychique. Les chasseurs doivent rester impassibles et surtout sans parti prit pour qui que ce soit. Nous n’avons pas de temps à perdre avec la futilité de l’amour ou autre. Nos missions sont plus importantes que tout. Nos vies ne sont tournées que vers celles-ci.
- Salut tout le monde !
- Hello Hayd ! Ça va mon vieux !, lui dit Mathis en lui présentant la main.
- Oui, pas mal !
Ses yeux se lèvent sur moi. Je me sens alors hideuse. J’ai l’impression que j’aurais dû mettre un peu plus de gloss et d’ombre à paupière, que les couleurs de mes vêtements ne vont pas de paire avec celles de mes sous-vêtements qui sont pourtant invisible. Je me demande même si ma petite robe mauve satiné est de mise pour l’évènement. Mais qu’est-ce que c’est que ça !
- Et toi, Sandy, les brioches vont toujours aussi bien ?
- Oui, dis-je d’une voix de deux ou trois teintes plus aigüe que la normale.
- J’ai parlé de votre petite boutique à quelques collègues du bureau. Je crois bien qu’ils vont aller y faire un tour bientôt.
- Ah c’est vraiment cool. C’est gentil de ta part de nous envoyer de nouveaux clients, s’exclama Léti qui a réellement l’air contente de la nouvelle.
Quoi ? Moi, je suis là à me morfondre sur place comme une jouvencelle et lui, il me parle de mes brioches et de clients ? Et pourquoi ça me frustre autant d’ailleurs ? Suffit ces questions stupides, j’ai autres choses à faire et beaucoup plus importantes à m’occuper.
Grâce au magnifique décolleté de mon amie, nous sommes vite entrés et nous voilà accoudés au bar en attente de notre commande. Je déteste prendre de l’alcool. Je ne me rappelle rien de mes autres missions ou presque, mais j’ai l’étrange impression qu’il ne faut pas que j’en prenne. Je me contente donc d’une boisson gazeuse ce qui fait bien rire Mathis. Je vois pas ce qu’il y a de drôle là-dedans. Encore un qui doit croire que pour avoir du plaisir, il faut boire. Ah les jeunes !
- Hey dis, tu viens danser, me lance Léti qui saute littéralement d’un pied à l’autre tellement elle a hâte.
Quel autre choix j’ai ?
- Oui, pas de problème, je te suis.
Et nous nous dirigeons vers cette piste de danse déjà bondée. On se fait une petite place tout près des immenses colonnes de son et mon amie se met à danser de manière plutôt sensuelle. Je ne sais pas trop si je dois l’imiter ou non, je n’en ai pas vraiment l’envie non plus, mais d’après elle, je suis de ce type de personnes qui adorent danser. Reste à trouver quelle genre de danse il s’agit au juste.
- Aller, qu’est-ce qui se passe, on dirait que t’as oublié comment on fait, me dit-elle après quelques minutes.
Si elle savait à quel point elle est proche de la vérité elle ne me ferait pas ce sourire moqueur.
- Mais comment pourrait-elle oublier une chose pareille. Elle, la divine, la sublime reine de la piste, s’écria alors Mathis en venant nous rejoindre.
- J’ai pas tellement la forme ce soir, désolée.
- Allons donc ! Laisses-toi envahir par le rythme de la musique !, me cria Léti au travers le brouhaha ambiant.
- Et voilà le beau blond qui s’amène par ici !
Je me retourne subitement pour voir Hayden qui tente de se frayer un chemin au travers la foule dense pour nous rejoindre.
Subitement, je n’ai plus du tout le goût de danser. La piste me semble suffocante et j’ai grande envie d’aller prendre l’air, même si nous venons à peine d’entrer.
- T’es toute rouge San. T’es sure que ça va ?
- Oui, pas de problème.
Et il arriva près de nous avec son habituel sourire.
- Vous ne m’avez pas attendus ?
- On ne savait pas que tu comptais rester avec nous, argua Mat avec un ton beaucoup trop brusque pour la situation.
Faites qu’il y ait un démon prêt à bondir sur nous, faites qu’un démon soit là ! Je n’aime pas du tout le sentiment de stupidité intense dans lequel je mijote en présence de cet homme. Je ne veux qu’une chose, sortir d’ici au plus vite.
Mais qui est cette fille qui s’approche de nous avec son décolleté encore plus plongeant que celui de Léticia, avec ses jambes beaucoup trop longues pour être naturelles et son visage tellement maquillé qu’elle ressemble à une Barbie ? Et qu’est-ce qu’elle fait là à se pendre au cou d’Hayden ?
- Hayd, ça fait un bail. Qu’est-ce que tu viens faire dans un trou pareil ?
Je la déteste déjà la mademoiselle avec ses cheveux blonds, ses cils trop longs, sa taille parfaite et ses grands yeux bleus et brillants. Sa petite voix stupide est tout aussi désagréable qu’elle. Je n’arrive pas à comprendre ce que mes compagnons peuvent faire là à baver, non discrètement, sur elle comme des chiens sur un os.
- Je suis venu m’amuser un peu.
- Oh chouette alors !
Oh eurk, quelle est cette expression là ! Peut-elle avoir l’air encore plus niaise ?
- Tu viens danser avec moi ? demande-t-elle en s’accrochant à son bras avec un sourire naïf.
Je vis Léti pincer les lèvres et relever le nez. Sa manière à elle de désapprouver ce genre de comportement.
- Oh, c’est déjà ce que je fais ici, non ?
- Oui, mais viens avec moi et mes copines, on est un peu plus au centre. C’est pas mal plus cool là-bas, tu vas voir.
Ça veut dire quoi ça ?
- Je suis venu avec eux, donc je vais rester.
Oups, mademoiselle ne semble pas très contente de la réponse. Visiblement, elle s’attendait à tout sauf à un refus de sa part.
- Mais… pourquoi ?
Ok, ses yeux de biche m’écœurent au plus haut point. Si je ne me retiens pas, je lui met mon poing dans la figure.
- Hey dégage la pimbêche, il veut pas aller avec toi et c’est tout. Est-ce si dur à comprendre ? dit alors Léti en perdant patience.
- Quoi, comment m’as-tu appelé ? lança mademoiselle toute outrée.
- T’as très bien entendu, maintenant fait un bout vite si tu veux pas que ce soit moi qui te fasse déguerpir en vitesse.
- Des menaces ! Tu crois que j’ai peur parce que ton cul fait quatre fois la largeur du mien peut-être ?!
Oh, ça commence à chauffer là. On me dirait que c’est elle le démon que je le croirais. La fumée lui sort presque des oreilles et en forçant un peu la donne, ce sont les cornes qu’on va voir apparaitre. Dommage, si tel serait le cas, je me ferait un vilain plaisir de m’en débarrasser. Je rêve où c’est à moi que les cornes vont finir par pousser si je continue à avoir ce genre de réflexions.
- Et tu vas voir qu’un gros cul ça écrase les cure-dents dans ton genre en un rien de temps. Je te le dis une dernière fois : fou le camp !
- Hey les filles, c’est pas le temps de faire un bagarre, lança Mike en venant se poster entre les deux.
- Attendez au moins qu’on apporte la boue ou le jell-o, c’est comme vous préférez ! ajouta Mathis en riant.
Ah les hommes, si attirants mais si… stupides à la fois !
Bon je fais quoi ? Je les laisse venir aux coups ou je m’en mêle. La première option est tellement plus tentante, mais la raison doit toujours primer sur tout.
- Aller Léti, laisse-la. On en a rien à faire d’elle.
- Et toi, poufiasse, mêle-toi pas de ça.
Et là, la raison, elle passe où ?
- Je te conseille de ne rien ajouter à ta charmante insulte !
- Sinon quoi !
- Oh, tu ne me parles pas de mon gros cul à moi ?
- …
- Mais je peux toujours te présenter mon gros poing ! dis-je en le brandissant juste sous son nez.
- Si tu crois que j’ai…
- Bon ça suffit là !
Hayden venait de se mettre entre nous pour de bon.
- Les filles, c’est quoi ces manières là. Vous n’allez quand même pas vous disputer pour rien.
- Grosse vache, cria la blonde par-dessus l’épaule du jeune homme.
- Ouff, une magnifique preuve de maturité que tu nous fais là.
- J’ai dit stop !
Le pauvre homme semblait au bord du découragement. Je me demande à quel âge ces enfantillages prennent fin habituellement. Je me serais attendu à autre chose en venant ici ce soir. Je ne savais pas qu’ils envoyaient les enfants dans les clubs quand les garderies fermaient. Je me retins bien de ne pas dire tout haut cette pensée même si elle me faisant rire intérieurement. Il sera toujours temps de la répéter à Léti quand nous serons de retour à la maison.
- Vas-t’en Mélissa !
- Quoi !?
- Aller, t’as pas ta place, on s’amusait bien. Viens pas foutre la merde où il en a pas. Je t’ai dit que je restais avec eux. Merci pour l’invitation tout de même, mais je ne changerai pas d’avis.
- Pourquoi tu dis ça. C’est la grosse épaisse avec sa petite connasse qui…
Il leva les yeux au ciel accompagné d’un profond soupir. Elle finit par comprendre qu’il n’allait pas céder pour son regard de biche attristée. Elle s’en alla rejoindre ses amies plus loin et se contenta de nous faire des signes vulgaires de dans leur coin. Est-ce que les humains sont tous aussi stupidement guidés par leur jalousie où c’est seulement quelques cas isolés ?
Je suis assise sur l’un des immenses blocs de ciments dans le stationnement du club. J’ai laissé Léti et les gars continuer à faire la fête seule. Je suis venue prendre l’air pour mieux m’entendre penser et essayer de remettre les choses en place dans ma tête. J’ai le regard intensément fixé sur mes mains et je me demande encore comment ça se fait que je vis autant d’émotions. Gène, jalousie, haine, frustration… Je ne me rappelle jamais grand-chose de mes missions précédentes, mais je sais que je ne suis pas supposée en ressentir comme ça. Un chasseur se doit d’avoir tous ses sens libres et en alertes pour sentir la présence d’un quelconque démon à proximité. Quand nous revenons dans l’intemporel, c’est pour y faire le vide complet, un processus d’oubli et de purification.
Les sentiments et émotions pourraient convertir un chasseur et le rendre mauvais sans que les archanges ne s’en rendent nécessairement compte à temps. Un chasseur perverti pourrait déséquilibrer le cours de choses et bouleverser l’univers des humains si tel est son désir et qu’il a la ruse de passer sous le nez des archanges assez longtemps pour arriver à ses fins. C’est pourquoi l’on nous protège en bloquant cette partie du cerveau qui habituellement sert de répertoire d’émotions pour les humains. Nous sommes quasiment placides. Seule la rationalité doit primer et nous servir.
Cette mission, qui m’a été confiée, m’a tout l’air d’être des plus étranges. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi je suis livrée ainsi à moi-même. Il me semble que Joël aurait dû m’en glisser mot lorsqu’il est venu me voir la dernière fois. Si tout cela est arrangé avec les hauts dirigeants, pourquoi ne suis-je au courant de rien. Et si ce n’est pas un arrangement, pourquoi personne ne s’en rend compte ? Ne sommes-nous pas supposés être sous haute surveillance ? Regardés jour et nuit afin de déceler le moindre petit pépin, la moindre petit anomalie ou erreur ? C’est complètement illogique ce qui m’arrive en ce moment et, en quelque sorte, ça me fait peur.